Longtemps associé à un whisky de seconde zone, il n’a rien a envier aux Scotchs, simplement plus chanceux et commerciaux.
rappel pour ceux du fond
On ne va pas encore repartir de zéro.
Se demander si c’est l’égyptienne Maria la Juive qui a inventé l’alambic au III° siècle ?
Si c’est pour ça que le mot “alcool” est dérivé de l’arabe Al-Kohl, qui désigne le fard noir utilisé pour le maquillage des égyptiens ?
Tout ceci bien avant les travaux de Geber, Rhazès et Avicienne (noms latinisés) ? Peu probable …
Geber (721-815) observe une vapeur inflammable en tentant de créé un élixir (Al-iksr) qui pourrait transformer le plomb en or.
Il décrit cette vapeur comme “peu utile, mais d’une grande importance pour la science” : s’il avait su !
Rhazès (864-930) fait référence à l’alcool en tant que remède.
Avicienne (980-1037) distille un mélange d’eau et de pétales de roses, créant le premier parfum moderne : l’eau de rose.
Ce sont les maures qui auraient emmené la distillation en Espagne, où elle a été adoptée par les monastères et s’est répandue Europe sur les pas du christianisme. Michael Scott (1175-1234), déjà mentionné dans l’article sur le whiskey irlandais, est le premier chercheur d’Europe à définir les termes de la distillation sans le langage ésotérique de l’alchimie dans son Lumen Lumen (1225).
Petite mention “cocorico” à Arnaud de Villeneuve, professeur de médecine à Montpellier, à qui ont doit le mutage des vins pour leur conservation durant les trajets en bateau, et le premier manuel sur les techniques de distillation en 1290 (loin d’être exhaustif).
au frère john cor, sur ordre du roi, pour faire de l’aqua vitae, huit capsules de malt
première mention du whisky en Écosse – 1494
Le premier livre (complet) sur la distillation en Europe est écrit en 1507 par l’allemand Huieronymus Braunschweig.
Laurence Andrew le traduira en anglais en 1527.
quand le whisky arrive aux états-unis
Les pionniers européens (irlandais, écossais, allemands, néerlandais) ont apporté leurs techniques et leurs connaissances en émigrant au nouveau-monde.
Le 14 mai 1607, une poignée d’Anglais débarquent sur la côte nord-américaine et fonde un établissement permanent.
Ainsi naît la première colonie anglaise d’Amérique : Jamestown. La seconde colonie permanente est celle de Plymouth (1620).
Aux débuts, tout ce qui était organique était distillé et transformé en “rhum”, mot s’appliquant à tous les alcools forts.
Le commerce avec les Caraïbes se développe (les anglais arrivent sur la Barbade en 1625) et les colonies américaines distillent du rhum avec la mélasse résiduelle des cannes à sucre.
À mesure que les colons se déplacent à l’intérieur des terres, ils s’éloignent d’approvisionnement en mélasse.
Mais les immigrants transportaient également des graines d’orge et de seigle (pour la bière et le pain).
L’orge s’avèra difficile à cultiver et les colons se tournèrent vers le seigle.
C’est ainsi que le “Rye” (pour “seigle”) est devenu le premier vrai whiskey américain.
des origines allemandes
L’été 1648, Emanuel et Lucy Downing construisiret une petite distillerie à Salem (Massachusetts), distillant du seigle.
En octobre, selon Emanuel, les habitants préféraient “l’eau forte” qu’ils produisaient aux spiritueux importés de Londres.
En décembre, tout était vendu. Dans une lettre, Lucy affirmait que les habitants de Salem avaient deux objections à leur produit :
On a longtemps supposé que le Rye Whiskey était l’évolution de la distillation écossaise-irlandaise,
mais la distillerie Downing’s a précédé de 50 ans l’arrivée des écossais-irlandais en Amérique.
Dans une lettre de 1647, Downing demande à son neveu “le reçu allemand pour faire de l’eau forte avec de la farine de seigle”.
Le fief du Rye Whiskey était la Pennsylvanie*, où la population y était en grande partie allemande.
Elle avait fui l’oppression religieuse et s’étaient installée entre Philadelphie et la montagne Allegheny à partir de 1683.
Les distillateurs allemands avaient une connaissance des eaux-de-vie de seigle (l’Allemagne est le plus grand producteur de seigle).
* Rye Whiskey était aussi appelé “Monongahela” – la vallée fluviale de Pennsylvanie où le seigle était considéré comme le plus savoureux.
guerre d’indépendance américaine
Je la situe entre :
1776, quand Thomas Plaine publie son pamphlet “Common Sense” en faveur de la rupture avec la Grande-Bretagne.
1791, lorsque sont adoptés les dix premiers amendements de la constitution des États-Unis.
Le rhum et la mélasse étant sous blocus britannique, le whiskey soutiendra le moral des troupes.
Avec l’indépendance, les États-Unis découvriront l’ampleur de la dette creusée par le conflit.
Le gouvernement décrète une taxe sur le whiskey afin de la rembourser.
Les petites distilleries artisanales des fermes de Pennsylvanie et de Virginie décident d’ignorer cette taxe.
Des percepteurs des impôts sont envoyés pour les condamner à payer une amende.
Les fermiers devant voyager une centaine de km en territoire hostile pour comparaître devant la cour et payer leur dû, refusèrent.
Ils renvoyèrent les percepteurs couverts de goudron et de plumes, brûlant les maisons des représentants du gouvernement.
whiskey rebellion \\\ whiskey insurrection
George Washington ne pouvant tolérer cette révolte du whiskey, il envoie 15’000 soldats à l’automne 1794 pour restaurer l’ordre public. La rebellion s’essouffla rapidement et la taxe resta effective jusqu’en 1817.
Tous fermiers-distillateurs n’étaient pas restés à attendre l’arrivée des soldats.
Les meneurs de la rebellion avaient décidé de bouger vers l’ouest, par peur de la prison encourue pour évasion fiscale et actes de violence contre les représentants du gouvernement.
Ils arrivèrent dans le nord-est du Kentucky et dans le Tennessee.
l’arrivée du maïs
Là, ils trouvèrent des terres fertiles et de l’eau pure, filtrée par des terres calcaires.
Ils cultivèrent le seigle et le maïs, une céréale indigène dont les premiers colons avaient découvert la culture chez les Indiens (souviens-toi du dessin-animé Pocahontas).
Lentement mais surement, le maïs devint la première céréale utilisée pour la distillation (avec un peu de seigle, blé et orge).
Le résultat était appelé Corn Whiskey.
d’où vient le terme bourbon ?
Pas des États-Unis, mais de France.
Pour remercier les français de leur aide dans la guerre d’indépendance, de nombreuses communes prirent des noms français.
Le comté de Bourbon dans le Kentucky, est un hommage à la famille royale des Bourbons (Louis XVI était un Bourbon).
Il y avait un quai où les fûts étaient inspectés avant d’être expédiés par barges au port de la Nouvelle-Orléans.
C’est là qu’ils étaient marqués d’une tampon d’approbation “Bourbon”, lieu de l’expédition.
Lorsque un fût atteignait la Louisiane, il avait vieillis et pris saveur et couleur dont les consommateurs tombèrent amoureux.
Ils l’appelaient Bourbon Whiskey en raison du cachet apposé sur les tonneaux ; et raccourcirent la formule à Bourbon.
de grands changements
Au court du 19ème siècle, une forme d’alambic à colonne, améliorant considérablement le rendement, fût adopté par un nombre croissant de distilleries (l’alambic Coffey arrive en 1831).
Le procédé de Sour Mash (moût aigre) est mis en place par James C. Crow à partir de 1835 et consiste à réserver une partie du moût pour le prochain lot, créant un environnement idéal pour amorcer la fermentation.
Le Lincoln County Process, la filtration sur charbon d’érable, propre aux whiskeys du Tennessee, fût autorisé.
On l’attribut à Alfred Eaton vers 1825, mais il fut vraisemblablement introduit par les immigrants russes qui l’utilisaient pour filtrer leur vodka depuis des siècles.
Ces innovations permirent l’émergence d’une véritable industrie du whiskey.
guerre de sécession
1861-1865
L’impôt sur le Whiskey aboli en 1817 fût restauré et élevé.
Ajoutons des pénuries de céréales et de cuivre en raison de la guerre et la moitié des fermes qui distillaient fermèrent.
À la fin de la guerre, seule les distilleries à grande échelle eurent les moyens de s’acquitter des nouveaux impôts et de continuer à produire.
Les Moonshiners (bouilleurs de cru clandestins) firent leur apparition à ce moment.
bottled-in-bond
Le Bottled-in-Bond-Act de 1897 vise à protéger le consommateur en faisant du gouvernement le garant de l’authenticité du Whiskey.
Il doit être produit en une seule saison par une même distillerie, doit avoir vieilli au moins 4 ans dans un entrepôt sous douane et être embouteillé à 50% de volume, avec pour seule adjonction : de l’eau.
Ces dispositions contrarièrent les rectificateurs qui aromatisaient leurs eaux-de-vie de grain en voulant utiliser le nom “whiskey”.
L’Act ne suffit pas pour faire cesser les productions illégales.
En 1906 l’État adopte le Pure Food and Drug Act qui définit encore plus strictement le whiskey.
Le Whiskey doit être distillé uniquement à partir de grain et élevé en fût de chêne.
la prohibition
Mieux définie, la filière du whiskey américain affronte une rude épreuve entre le 16 janvier 1920 et le 5 décembre 1933.
Le 18ème amendement de la constitution interdit la vente et la consommation d’alcool.
Le 21ème amendement abrogera le 18ème treize-ans plus tard.
Comment cette “Noble Expérience” a t’elle pu se produire ?
De 1874 avec le WTCU (Union des Femmes Chrétiennes pour la Tempérance) à la phrase du joueur de Baseball Billy Sunday “ I’m Going to knock John BarleyCorn out of the box” (comprendre “John Orge-Maïs”) devant 10’000 personne en 1910, en passant par l’attaque à la hache de Mme Carry Nation sur une pharmacie qui commercialisée du Brandy en 1901 :
Le Lobby de la tempérance gagnait en influence auprès des politiciens locaux.
Les politiciens étaient pour le libre choix de chaque état quant à sa gestion de l’alcool, aux débuts.
Le très religieux William Jennings Bryan, secrétaire d’État du président Wilson, se fera l’avocat d’une prohibition nationale.
Il parviendra à réunir la somme stupéfiante de 400’000 dollars pour la Ligue Anti Saloon, menée par un autre policitien : Wayne Wheeler.
Wayne Wheeler rédigera en grande partie le Volstead Act (Prohibition), mais celui-ci prendra le nom du sénateur Andrew Volstead qui le portera devant le congrès. Wayne mourut d’une crise cardiaque en 1925 et ne vit pas l’abrogation (repeal) de la prohibition.
Les conséquences de cette expérience furent catastrophiques.
Le crime et la consommation d’alcool augmenta (un grand bar clandestin “Speakeasy” pouvait réaliser un chiffre d’affaire de 500’000 dollars, sans verser un seul cent à l’état).
Les écossais n’hésitèrent pas à soutenir la contrebande pour exporter leur Scotch Whisky.
Le plus célèbre des trafiquant était le capitaine McCoy, connu pour la qualité de sa marchandise.
Les gens à la recherche de whisky pur et non-coupé demandaient “a real McCoy”, une expression encore en vigueur aujourd’hui, signifiant “vrai de vrai”.
Selon une estimation de l’époque, il y avait un manque à gagner annuel de 50 millions de dollars, juste pour les taxes sur l’alcool.
Le Krach de 1929 ayant fini de ruiner le pays, Franklin D. Roosevelt présente au congrès un plan national d’urgence destiné à sauver l’économie du pays, l’abrogation de la prohibition en fait partie.
Aujourd’hui, quelques 500 municipalités des États-Unis sont encore Dry, c’est le cas du comté de Moore, où se trouve Jack Daniel’s.
le scotch a pris le lead
Avec son passage en force sur le territoire américain malgré l’interdiction, le Scotch avait remplacé le Bourbon comme ambassadeur du Whisky.
Des Scotchs comme Laphroaig, au profil végétal, avaient forcé au point d’être considéré comme “médicinal” et donc “légal”.
Même l’industrie d’Hollywood post-prohibition montrait du scotch dans ses films.
Le Bourbon était associé à une liqueur rance de mauvais roman policier, et restait aux bas des rayons.
Certaines distilleries se relance malgré tout, privilégiant le maïs, plus facile à produire et ayant un rendement supérieur aux autres céréales. Le Rye n’a pas survécu et est une relique d’avant prohibition.
la seconde guerre
L’industrie commençait à peine à se relever sur les ruines de la noble expérience quand la seconde guerre mondiale est arrivée.
En 1941, toutes les distilleries étaient soumises à l’effort de guerre et produisaient de l’alcool neutre industriel pour le conflit.
Quand elles purent reprendre leur production à temps plein, en 1946, il fallu faire des économie de matériel :
– les fûts changèrent de taille, passant de 48 à 53 gallons (181 à 200 litres).
– le nombre de cercles métalliques entourant les douelles (planches de bois d’un tonneau) passa de 8 à 6.
« produit distinctif des états-unis »
Une fois remis du combo prohibition + seconde guerre mondiale, la filière va vitre un haut-fait en 1964 :
Le congrès confère au Bourbon un statut de Produit Distinctif.
Malheureusement, une surproduction pendant la guerre de Corée et la popularité croissante de la vodka chez les jeunes générations entraina un phénomène classique d’offre excédant la demande, faisant baisser les prix et salissant l’image de marque du produit.
on se venge du scotch
Le Scotch va lui aussi vivre une période de crise durant les années 1980’s (connue sous le nom de Whisky Loch).
À la sortie de cette mauvaise passe, le blends (mélanges) vont être délaissés en faveur des Single Malts (purs) pour redorer l’image et viser une nouvelle clientèle.
La filière américaine va s’inspirer de ce mouvement à la fin des années 1980 et introduire les whiskeys Single Barrel (d’un seul fût) et Small Batch (assemblage de fûts sélectionnés en petit lot pour leur qualité) et susciter un regain d’intérêt.
De beaux bourbons refont surface lentement mais surement.
production d’un bon bourbon
- Définition de la mash bill (mélange de céréales)
- Broyage des grains
- Cuisson du mash (moût)
- Fermentation
- Distillation
- Élevage
- Embouteillage
Selon la loi, le mélange de céréales contient au moins 51% de maïs, complété par du seigle, du blé et de l’orge malté.
En général : 65% de maïs, 30% de seigle et 5% d’orge maltée (le petit pourcentage d’orge favorise la formation d’enzymes qui aident à convertir l’amidon des grains en sucres fermentescibles).
Les grains sont moulus séparément (car ils ne faut pas lui cuire ensemble) en une farine grossière
On cuit les grains dans un gigantesque autocuiseur sous pression rempli d’eau propre.
On commence par le maïs à 87,8°C, puis le blé/seigle à 71,1°C et enfin l’orge à 62,8°C.
Le mash (moût) qui ressemble à du porridge est transféré dans une cuve de fermentation et on ajoute de levures pour laisser fermenter 3 à 5 jours selon le nombre et le type d’esters souhaités.
C’est là que la majorité des distillateurs ajoute le Sour Mash, un reste du fond de l’alambic en fin de distillation, très acide.
Le mash fermenté titre entre 9 et 10% vol et peut subir sa première distillation dans un alambic à colonne.
Ce qui en sort s’appellent les Low Wines (bas vins) et va subir une seconde distillation dans un alambic Doubler (qui ressemble à un Pot Still). Le résultat de la seconde session est les High Wines (hauts vins).
On sépare les têtes et les queues pour garder le coeur du distillat, on l’allonge d’eau pour arriver à 62,5% vol (le proofing) avant de mettre en fût.
Selon la loi, le Straight Bourbon doit être élevé au moins 2 ans en fût de chêne blanc américain neuf bousiné (brûlé) de 200l.
Le chêne américain Quercus Alba est riche en whisky-lactone à l’odeur de noix de coco et en vanilline à l’odeur de vanille.
Il existe quatre niveaux de chauffe d’un fût, basées sur la durée de contact avec le feu (entre 15 et 60sec).
L’exposition de niveau 4 est connue sous le nom d’alligator char, en raison de l’aspect de l’intérieur du fût après brûlure.
Le carbone dans le charbon de bois aide à éliminer les composés soufré restants dans le distillat.
Le fût est entreposé dans une rickhouse : un entrepôt de 7 à 9 étages pour stocker horizontalement les tonneaux.
Niveau évaporation (part des anges) : 6 ans dans le Kentucky et le Tennessee sont presque équivalents à 20 ans en Écosse.
Avant d’être embouteillé, il faut filtrer (jusqu’à 5kg de charbon de bois peuvent se détacher au cours de l’élevage).
Il est allongé d’eau jusqu’à un titrage de 40% vol minimum (50% pour être Bottled in Bond).
Si le whiskey à vieilli moins de 4 ans, une mention d’âge doit être indiquée.
dégustation du bourbon
Les descripteurs aromatiques et gustatifs précis sont arrivés tard dans le milieu du Bourbon.
Les publicités pour le Bourbon s’arrêtaient à des généralités telles que mellow (“onctueux”), smooth (“soyeux”) et rich (“riche”).
En 1991, Chris Morris, le maître distillateur de Woodford Reserve, tombe sur une bouteille de single malt écossais et lit sur les étiquettes de notes de dégustations comme on en voit sur les bouteilles de vin.
Il créé la roue des arômes du bourbon (Bourbon flavor wheel) en 2000, qui sera approuvée par la Society of Wine Educators.
Le fût en chêne blanc américain Quercus Alba apporte des saveurs dues à certains composés, qu’on peut appelés sucres de bois :
Furfural : notes sucrées de fruits à coque
Hydroxyméthyl : beurre, caramel
Cyclotène : érable, caramel
Vanilline : vanille
Gaïacol : notes fumées, poivrées
Eugénol : clou de girofle, noix de muscade, cannelle