Dry January, littéralement
«janvier sec» est une campagne de santé publique incitant à l’absence de consommation d’alcool après la soirée du nouvel an et durant tout le mois de janvier. La première édition a lieu en janvier 2013 au Royaume Uni, lancée par Alcohol Concern.
Une étude de l’Université de Sussex montre que, six mois après le Dry January 2014, 4% des 900 participants interrogés n’ont pas re-bu d’alcool et 72% ont réduit leur consommation. Cette initiative se diffuse rapidement dans le reste des pays occidentaux grâce aux réseaux sociaux. Si bien qu’en 2019, des associations comme Addiction France, la Société Française d’Alcoologie, la Fédération Addiction, la Ligue Nationale Contre le Cancer, imaginent un Dry français.
Et ? Le lien avec le vin ? On y vient !
Tout commence en juin 2019, lors du discours d’ouverture du congrès de la Fédération Additcion. Il y est dit qu’une opération de mois sans alcool, soutenue par les pouvoirs publics, pourrait avoir lieu en janvier 2020. La page facebook et la compte Twitter de l’évènement sont vite publiés. Le 14 novembre, l’opération doit être officiellement présentée à la presse par la ministre de la santé Agnès Buzyn.
Cette annonce n’aura jamais lieu.
Pourquoi cette marche arrière ?
Cette perspective n’enchante pas la filière vitivinicole, qui envisage la lutte contre l’alcoolisme d’un autre oeil. «Janvier sans alcool» sous-entend une abstinence totale. Et celle-ci préfère la simple notion de modération. Le monde du vin prône « Maximum 2 verres (de vin ?) par jour et pas tous les jours », soit 10 verres et 2 jours off. D’ailleurs, cette campagne devrait simplement s’appeler «janvier sobre» plutôt que «janvier sans alcool». Malin.
Et au pays où le vin est exception culturelle, il est difficile de faire porter l’initiative d’un mois sans alcool par les pouvoirs publics. L’Association nationale des élus de la vigne et du vin, publie le 7 novembre 2019 un article assez clair. Il déplore l’initiative de Santé Publique France et rappelle que le 22 janvier, les vignerons fêtent Saint-Vincent, leur saint patron. Elle rappelle que la filière traverse (d’après elle) des moments difficiles : et appelle le gouvernement à renoncer à son projet de Dry January.
« Le vin n’est pas un alcool comme un autre. L’addiction à l’alcool est dramatique, notamment dans la jeunesse, avec le phénomène du binge drinking. Mais je n’ai jamais vu un jeune qui sort de boîte de nuit et qui est saoul parce qu’il a bu du côtes-du-rhône, du crozes-hermitage, du bordeaux, jamais. Ils boivent des mélanges, de l’alcool fort. Il faut éduquer à boire un verre de vin, pour savoir ce que c’est. »
– Didier Guillaume, Ministre de l’agriculture,16.01.2019, BFMTV
Cette prise de position du ministre de l’agriculture prend le contre pied de sa consoeur Agnès Buzyn un an plus tôt :
«L’industrie du vin laisse croire aujourd’hui que le vin est différent des autres alcools. En termes de santé publique, c’est exactement la même chose de boire du vin, de la bière, de la vodka, du whisky, il y a zéro différence! On a laissé penser à la population française que le vin serait protecteur, qu’il apporterait des bienfaits que n’apporteraient pas les autres alcools. C’est faux»
Qui fait du zèle ? Les associations de santé ou le monde du vin ?
Partant du principe que l’éthanol, c’est de l’éthanol. Même si le vin contient tanins et resvératrol, ça ne change pas son alcool, fortement cancérigène.
« Il y a tous les jours des comas éthyliques au vin »,
déclare Michel Reynaud, addictologue, invitant Didier Guillaume
«à faire un tour aux urgences un soir de feria ou de beaujolais nouveau.»
Mais le monde du vin, a eu des soutients de taille pour trancher sur le sujet.
Christophe Castaner disait le 22 févirer :
« Il y a de l’alcool dans le vin, mais c’est un alcool qui n’est pas fort »
Emmanuel Macron, lâchait :
« Il faut qu’on arrête d’emmerder les Français ! »
La première édition d’un janvier sans alcool à la française avait ainsi été déboutée, par des opinions divergeant au sein du gouvernement. À une époque où Audrey Bourolleau, Ancienne déléguée générale de “Vin et société”, était conseillère Agricole de l’Élysée. La notion de lobbying était évidemment remontée.